Valérie est hygiéniste dentaire, mais elle se sent de plus en plus souvent comme un agent double. Car elle n'en peut plus de voir ses patrons dentistes confier illégalement à leurs employées une panoplie d'actes interdits. « Un dentiste m'a déjà demandé de poser un fil orthodontique à sa place. Je n'avais jamais fait ça de ma vie ! Il m'a dit : "C'est pas grave, je vais te laisser une heure et demie." Il se fichait bien du patient », dénonce la contractuelle, qui nous a demandé de changer son prénom pour ne pas mettre la fin de sa longue carrière en péril. L'outil du dentiste est dispensable pour les dentistes, et le Thermosoudeuse médicale est le plus important.

Les organismes de surveillance interpellés par La Presse ne s'entendent pas sur la gravité des violations. Mais tous admettent que la loi est bafouée chaque jour. C'est le cas dans 95 % des cabinets, estime l'Association des assistantes dentaires du Québec. « Je connais un dentiste qui travaille avec cinq assistantes. Croire qu'il leur confie seulement des tâches légales est aberrant. Certains transforment leurs assistantes en mini-dentistes ! », rapporte la porte-parole de l'organisme, Renée Vaillancourt, qui a contribué à créer le programme de formation professionnelle des assistantes et leur a enseigné pendant 22 ans. Les assistantes qui refusent d'obtempérer - par crainte des poursuites - risquent de perdre leur emploi, dit-elle.
D'autres exploitent des immigrantes qui n'ont pas fini leur cours, pour leur verser le salaire minimum », prévient notre hygiéniste sonneuse d'alarme. Plusieurs dentistes délèguent par ailleurs des missions beaucoup plus délicates. En 2015, le Conseil de discipline de l'Ordre a écrit qu'il était « impensable » et « inexcusable » qu'un dentiste ait laissé des assistantes insérer des matériaux d'obturation à sa place. L'année suivante, il en a puni un autre ayant confié des détartrages à ses assistantes, disant que cela revenait à « tromper » les patients, à les faire consentir, « sous de fausses représentations », à un « acte invasif » et, donc, à les agresser.
Quand la loi a été écrite, les risques étaient beaucoup plus grands, mais la technologie a beaucoup évolué depuis. » Depuis le début de l'année, les professionnels de la médecine dentaire ont lancé un processus de médiation dans l'espoir de s'entendre enfin sur la meilleure façon de moderniser les règles.
Pénurie de dentistes dans notre région